Entretien avec Sophie Bert, Regional Partner Manager MSP chez LastPass.
Comment avez-vous découvert le monde de l’IT ?
Sophie Bert : Comme beaucoup, par hasard ! Je ne connaissais pas du tout cet univers, et j’ai rapidement compris à quel point il était structuré autour de relations de confiance. Dans ce secteur, on ne vend pas juste un produit ou une technologie, on construit des alliances sur le long terme. Ce qui m’a frappée au début, c’est la diversité des acteurs. Entre les revendeurs, les intégrateurs, les grossistes et les éditeurs, chacun a un rôle bien précis, mais tout est interconnecté. Je me souviens d’un premier salon où j’étais complètement perdue dans les acronymes et les terminologies techniques. J’ai vite appris que dans l’IT, la technicité est importante, mais le relationnel l’est tout autant.
À quel moment avez-vous commencé à travailler avec les MSP ?
Le terme MSP n’était pas encore très utilisé en France quand j’ai commencé. Les intégrateurs proposaient déjà de l’infogérance, mais la notion de services managés, avec un vrai modèle récurrent, n’était pas encore bien définie. J’ai eu un déclic lors d’une conversation avec un partenaire qui se décrivait comme un « revendeur amélioré ». Il voyait bien que son métier évoluait, mais n’avait pas encore conscience que ce qui faisait la vraie valeur d’un MSP, ce n’était pas juste de gérer des infrastructures IT, mais d’offrir une approche proactive, avec du conseil, du support continu et des solutions packagées.
Comment les éditeurs IT ont-ils réagi à l’essor des MSP ?
Il y a eu une vraie phase d’adaptation. Pendant longtemps, les éditeurs segmentaient leurs partenaires en deux catégories : les revendeurs qui vendaient du matériel et des licences, et les intégrateurs qui assuraient le déploiement. J’ai vu des éditeurs essayer d’adapter leurs programmes partenaires, parfois avec une approche trop rigide. Par exemple, certaines politiques de pricing étaient totalement incompatibles avec un modèle MSP, car elles imposaient des engagements sur plusieurs années, alors que les MSP devaient eux-mêmes proposer de la flexibilité à leurs clients.
Un autre problème, c’est que beaucoup d’éditeurs ont conçu leurs programmes MSP aux États-Unis ou au Royaume-Uni, sans forcément prendre en compte les spécificités du marché français. Ici, les partenaires sont plus techniques, plus prudents, et attendent des solutions très intégrées avant de les proposer à leurs clients.
Comment le marché MSP français se différencie-t-il des autres pays ?
Depuis que je vis en Irlande, je mesure encore plus à quel point le marché français a une approche particulière. En Angleterre et aux Pays-Bas, les MSP sont avant tout dans une logique de croissance rapide et de standardisation des services. Un partenaire britannique m’a dit un jour : « Si ton modèle est bien construit, la rentabilité suivra ». Ils sont très orientés business, optimisent leurs offres en fonction de la marge, et industrialisent leurs process très tôt.
« En France, les MSP sont beaucoup plus techniques. Ils veulent tout maîtriser avant d’évoluer, ce qui les rend parfois plus prudents dans l’adoption de nouveaux modèles économiques. »
En France, les MSP sont beaucoup plus techniques. Ils veulent tout maîtriser avant d’évoluer, ce qui les rend parfois plus prudents dans l’adoption de nouveaux modèles économiques. Certains sont encore très attachés aux approches on-premise, là où d’autres pays ont déjà totalement basculé vers des solutions cloud et SaaS. Mais cette prudence a aussi des avantages : les MSP français ont souvent un niveau d’expertise très élevé, et ils privilégient la qualité de service à la croissance à tout prix. Ce qui leur manque parfois, c’est une capacité à structurer et industrialiser leurs offres et ainsi gagner en rentabilité.
Qu’est-ce qui définit l’identité et la culture des MSP français, aujourd’hui ?
Il y a une chose que j’ai toujours trouvée fascinante chez les MSP, c’est leur esprit de communauté. Contrairement aux revendeurs traditionnels, qui voient souvent leurs concurrents comme des rivaux directs, les MSP échangent énormément entre eux, même lorsqu’ils sont en compétition. Ils partagent leurs bonnes pratiques, s’entraident sur des problématiques techniques et business, et participent activement à des groupes spécialisés, que ce soit en France ou à l’international. C’est un écosystème où la collaboration prime sur l’individualisme, et c’est ce qui leur permet souvent d’évoluer plus vite.
La cybersécurité est-elle devenue une compétence obligatoire pour les MSP ?
Un MSP m’a raconté qu’il pensait être bien protégé, car il avait mis en place des firewalls et des antivirus chez ses clients. Mais il a découvert à ses dépens que 90 % des failles de sécurité venaient en réalité de la gestion des identités et des accès. Un simple mot de passe compromis a suffi pour provoquer une attaque majeure.
C’est un problème que je vois souvent : beaucoup de MSP ont une approche encore trop centrée sur la protection périmétrique, et sous-estiment l’importance des solutions IAM, MFA et Zero Trust. Pourtant, les entreprises attendent désormais des MSP qu’ils intègrent la cybersécurité dans toutes leurs offres, et pas comme un service additionnel.
Quel rôle jouent les distributeurs spécialisés dans la transition MSP ?
Ils sont essentiels. Des acteurs comme NetPoint, Actual Systemes ou BeMSP ne se contentent pas de vendre des solutions, ils accompagnent les MSP dans leur transformation. Un bon distributeur spécialisé va proposer des outils adaptés, une assistance à la facturation récurrente, et même des conseils sur la structuration des offres. Certains MSP hésitent encore à travailler avec des distributeurs parce qu’ils veulent tout gérer eux-mêmes, mais dans un modèle managé, il est crucial à mon sens d’avoir des partenaires solides qui facilitent la gestion des services.
Quel regard portez-vous sur l’avenir des MSP en France ?
Le marché est en pleine mutation. Ceux qui sauront structurer leurs offres, automatiser leurs processus et intégrer la cybersécurité et le cloud auront une vraie carte à jouer. Ceux qui resteront sur un modèle trop traditionnel risquent de se faire absorber ou de disparaître. Un bon MSP, ce n’est pas juste un prestataire technique, c’est un partenaire stratégique qui apporte de la valeur sur le long terme. Je suis très optimiste. Il y a en France énormément d’acteurs très talentueux, qui comprennent les enjeux du marché et qui savent s’adapter. Le plus gros défi, ce sera de trouver l’équilibre entre expertise technique et vision business. Ceux qui y parviendront auront un bel avenir devant eux.
Propos recueillis par Guilhem Thérond, rédacteur en chef de ChannelBiz.
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