Culture client : La révolution silencieuse d’Ingram Micro. Entretien avec Steeve Ahache, DG Adjoint du Distributeur

Steeve Ahache est un profil un atypique. Ingénieur télécom passé par Alcatel, il a ensuite œuvré au sein du constructeur automobile PSA avant de travailler pendant dix ans chez NextiraOne (NXO France) en tant qu’expert-réseau, puis BDM. Il est aujourd’hui Directeur Général Adjoint d’Ingram Micro France, en charge de l’ensemble des activités commerciales clients et produits.

Arrivé il y a près de neuf ans chez le distributeur, Steeve Ahache n’a cessé depuis de faire évoluer l’organisation du distributeur et son modèle d’approche du marché :

J’avais au début quelques idées préconçues, certaines bonnes, d’autres pas. Mais j’avais d’emblée un objectif : m’assurer que ce qui me manquait dans mes vies d’avant, un distributeur pouvait désormais l’assurer et répondre à ces attentes. Ce serait Ingram !”.

Son constat, à l’époque est sans appel : Les distributeurs manquent trop souvent de compétences techniques pour être en mesure de comprendre dans son intégralité le besoin du client final : “Trop souvent, les distributeurs sont en mode réactif. Ils répondent à la demande express du client sans vraiment savoir et même évaluer s’il se trompe.” Lorsque j’étais côté intégrateur, il m’est arrivé des centaines de fois d’appeler un distributeur – quel qu’il soit – et de ne pas avoir en raccrochant si j’allais dans la bonne direction. Est-ce que j’ai raison dans ce que je fais ? Souvent, je n’en savais rien, parce qu’le distributeur ne m’avait pas challengé. Le risque, dans ce cas, c’est de proposer des solutions ni ultra-adaptées ni optimales ».

Monter en compétences, pour pouvoir mieux challenger son client

Pour Steeve Ahache, challenger vraiment le client nécessite une vraie montée en compétences des équipes chez le distributeur. Un changement de paradigme qui suppose un changement de culture :

“Quand je suis arrivé chez Ingram j’ai eu la volonté de faire évoluer la culture interne. Ce qui m’intéresse à ce moment-là c’est de ramener la culture de nos clients au cœur du distributeur que nous sommes. Nous avons embauché en conséquence, sur les dernières années, une cinquantaine de ressources : des commerciaux terrain, des consultants techniques… Ils proviennent tous d’intégrateurs, sur la partie avant-vente, technique ou encore delivrery. Ils ont tous avec cette culture du client.”

Au-delà de la culture, un autre élément s’avère majeur dans la stratégie adoptée par Steeve Ahache : La proximité, à la fois géographique et sectorielle. “Quand tu es un commercial terrain à Strasbourg et que tu viens d’un intégrateur strasbourgeois, tu discutes avec ton client d’égal à égal. Tu comprends exactement ses problématiques puisque tu les as vécues pendant plusieurs années, tu connais potentiellement les mêmes clients. La relation de confiance est différente. Ça change la manière d’aborder les projets. Idem pour les ressources techniques : Quand tes équipes techniques proviennent d’un intégrateur, tout est plus simple : Quand un technicien doit intervenir à tes côtés, pour aller faire de l’avant-vente, du delivery, ou de l’installation, il l’a vécu avant. Il sait ce que c’est que de faire une migration à minuit d’un CH, il connait l’enjeu, et il a déjà vécu cette pression-là.”

Mettre la culture client final au cœur du distributeur

Depuis le mois de janvier, Steeve Ahache a pris sous sa responsabilité l’ensemble du scope commercial, le business dit ‘Valeur’ ainsi que le “Core Business” du distributeur (PC, imprimantes, tablettes, smartphones, etc). Une équipe service de 20-25 personnes a été ajoutée au dispositif avec des consultants techniques qui couvrent tout le scope du business projet, pour accompagner les clients. Steeve le répète : « l’idée n’est pas de dire ‘je t’aide à gagner un dossier, mais je te laisse délivrer, faire l’installation ou faire le support tout seul.’ Nous voulons nous assurer que nos consultants techniques peuvent faire de l’audit, de la vente, de l’installation et du support. La valeur ajoutée n’est pas dans la prise de commande, elle est en dans l’accompagnement de bout en bout, y compris avec des marques qui demandent des certifications”. L’équipe commerciale a été revue en conséquence.

“Cet objectif de proximité étant clé, nous renforçons notre proximité régionale avec des ressources en régions. Nous avons divisé la France en deux : une équipe parisienne et une équipe pour les régions. L’équipe parisienne gère l’ensemble du bassin IDF, plus les GSI. L’équipe régionale est constituée de commerciaux organisés régionalement, avec des binômes entre des commerciaux terrain et des commerciaux sédentaires affectés à la région.

Une organisation commerciale pensée pour simplifier le travail de ses partenaires

“L’idée, précise Steeve Ahache, c’est que ce soit le plus simple possible pour le partenaire : Un commercial terrain qui s’occupe de toi et qui t’accompagne au plus près ton besoin métier ; un commercial sédentaire qui va t’accompagner en mode projet et qui va travailler avec les différentes BU produits pour te proposer la meilleure solution, peu importe la marque. Enfin une ressource administrative, qui va traiter tout le back office”.

Ce dernier point apparait très important dans la stratégie mise en place par Ingram : “ Quand tu es intégrateur, ce qui compte pour toi, c’est ta relation avec ton client final. Quand tu travailles sur cinq ou six solutions avec un client qui t’achète du wifi, du réseau, des PCs, une solution de sécurité côté “endpoint” et de l’urbanisation, c’est-à-dire le rack et l’onduleur, si tu lui envoies douze produits étalés sur une semaine, c’est vite ingérable. Ton partenaire ne sait pas quand il doit planifier ses ressources, ton client final reçoit 12 colis… Quand tu travailles en mode projet, ce qui est important c’est d’avoir toute une gestion back office qui t’assure une vraie coordination d’ensemble. Vu du client, il y aura désormais une visibilité de qui fait quoi. Il y aura des points de contact uniques en fonction des sujets. On aura beaucoup plus de facilité à travailler en mode projet, multi technos, multi-marques.”

“La valeur ajoutée n’est pas dans la prise de commande, elle est en dans l’accompagnement de bout en bout”

Autre sujet majeur pour le distributeur lillois, le lancement de la plateforme XVantage : “La plupart des distributeurs ont une marketplace qui permet d’aller faire de la souscription de logiciel en mode mensuel ou annuel. A côté, ils ont également, généralement, un site marchand où tu peux aller acheter ton PC, ton imprimante, ou ton équipement réseau. Chez tous les distributeurs, ce sont deux outils séparés. Chez Ingram nous avons réunis ces 2 plateformes sur un seul site, XVantage, sur lequel le revendeur peut acheter son produit physique, mais également ajouter de la souscription.

Grâce au rapprochement de ces deux pans au sein d’une seule plateforme, la position d’Ingram sur le marché va changer, selon Steeve Ahache : “ Cela va changer beaucoup de choses pour nos partenaires, avec un gain d’autonomie et de souplesse. Et côté constructeurs et éditeurs, nous allons pouvoir travailler vraiment des briques cohérentes, sur lesquelles nous pourrons faire des recommandations, pour simplifier la vie des clients. »

L’autre point fort annoncé d’XVantage est son intégration possible avec les systèmes des partenaires du distributeur : “Nous ne sommes pas sûr de l’EDI ou sur du XLM, mais sur quelque chose d’abouti avec des API qui nous permettent d’aller récupérer en temps réel les données pour les commandes, la livraison des produits, la facturation… Pour un intégrateur sur l’infra ou en cyber, ça change la donne : Avec cette intégration, le chef de projet de l’intégrateur va être capable d’avoir toutes les informations sur les commandes qu’il a avec nous et de pouvoir anticiper la planification avec toutes ces ressources sans avoir besoin de demander à son commercial.”

Passionné par sa mission et la stratégie qu’il porte pour le développement d’Ingram, Steeve Ahache conclut: “Ce qui m’anime en permanence ? Bouleverser l’ordre établi et changer les habitudes ».


Un entretien à retrouver dans l’édition de juin de « ChannelBiz : Le Mag ». 60 pages pour un éclairage nouveau sur l’actualité et les enjeux IT & Tech 2024 : Cybersécurité, cloud computing, telecom, solutions audiovisuelles.


 

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