Le Pdg de Capgemini explique son approche du marché de l’Internet des objets et des changements qu’il amène.
À l’occasion de l’ouverture du centre de co-innovation sur l’Internet des objets de l’américain GE, dont Capgemini est partenaire, Paul Hermelin, explique son approche du marché de l’IoT.
Sur le marché français, a-t-on dépassé le stade des prototypes en matière d’IoT ?
Paul Hermelin, Pdg de Capgemini : Premièrement, aujourd’hui le coût des senseurs est très bas, ce qui permet de collecter de grandes masses de données qu’on tente ensuite d’exploiter. La tendance naturelle consiste à démarrer sur les produits industriels coûteux pour lesquels les données permettent soit de mieux qualifier la demande, soit de mieux qualifier le produit, soit d’augmenter sa durée de vie. L’exemple le plus connu vise à améliorer le système de maintenance des produits industriels complexes, afin de ne plus réaliser ces opérations à l’aveugle, ce qui s’avère coûteux, mais uniquement quand des données révèlent une usure.
A mon sens, un second levier est en train de se mettre en place et vise à concevoir des chaînes de production optimisées et intelligentes, aboutissant à des coûts de production très réduits sur des séries plus limitées adressant des besoins bien identifiés. Au lieu de dimensionner une chaîne de production par rapport au pic de la demande – ce qui débouche sur des situations de sous-capacité chronique -, on peut imaginer une approche différente via une fabrication plus intelligente. Des réflexions de ce type sont en cours dans l’automobile avec certains de nos clients. Troisième champ d’applications, la chaîne logistique, où l’IoT va permettre de franchir de nouveaux paliers. Les stocks tampons ont été beaucoup réduits, mais on peut désormais imaginer les supprimer. Du vrai zéro stock.
Enfin, n’oublions pas que c’est la demande du client qui demeure la principale incitation à la transformation des entreprises. Par exemple, dans l’automobile où ces attentes sont en train d’évoluer, ce facteur risque d’aboutir à des transformations rapides. Même si nous ne sommes pas face à une industrie à forte intensité capitalistique, c’est peut-être finalement là que l’Internet des objets va bouger le plus vite.
Avec, également, l’aiguillon de nouveaux entrants comme Tesla…
Et surtout Uber ! L’idée de ce dernier, ce n’est pas de proposer une voiture différente, mais de pousser les consommateurs à ne plus acheter de voiture du tout. Uber entend vendre un service offrant des heures de voiture, à un prix tel que l’achat d’un véhicule devient irrationnel. De ce point de vue-là, Tesla est un innovateur de l’ancien monde.
Quand vos clients abordent le sujet de l’IoT, quelle principale difficulté rencontrent-ils ?
Fixer des priorités claires. Je pense en particulier à un client chez qui nous avons identifié 200 facteurs de transformation numérique de son activité. Mais aucune entreprise ne peut gérer 200 projets en parallèle ! Il a fallu les qualifier, les rationaliser et les introduire dans le temps du changement de l’entreprise.
L’IoT est un sujet plus large que l’informatique d’entreprise classique. Comment se positionne Capgemini sur ce marché ?
Probablement que Capgemini devra se positionner davantage dans l’ingénierie qu’auparavant, même si 10 000 personnes au sein du groupe travaillent déjà sur ces métiers. Ce sont des territoires où nous n’étions jusqu’alors jamais allés nous confronter directement à des Altran et autre Assystem. Mais les frontières entre SSII et ingénierie deviennent aujourd’hui plus floues. L’IoT est clairement une priorité du groupe, avec une offre appelée Digital Manufacturing que nous lançons en France, en Allemagne et aux Etats-Unis.
Pourquoi vous associer avec GE sur ce marché ?
D’abord ce n’est pas un partenariat exclusif, nous travaillons aussi avec SAP par exemple sur un programme Digital Manufacturing. Avec GE, nous avons démarré sur des projets en interne, chez eux. 15 projets y sont en production. Via le rachat de iGate, GE est devenu un très grand client de Capgemini.