Parmi les applications qui se posent la question d’être ou non présentes dans le Cloud, il y a les ERP. Le Président d’Akuiteo a un avis sur la question, et le partage avec les lecteurs de ChannelBiz.fr
Par Jean-Christophe Llinas, Président d’Akuiteo
Qu’on se le dise, le nouvel Eldorado de l’informatique se nomme le Cloud
Les fournisseurs d’infrastructure communiquent énormément sur le sujet pour tenter de nous en convaincre, et l’Association française des éditeurs de logiciels (AFDEL) dans une récente étude parle même de révolution pour l’industrie du logiciel.
Les éditeurs d’ERP doivent donc légitimement se poser la question du bien-fondé de proposer leurs offres en Cloud. Pour tenter de répondre à cette question, nous nous sommes intéressés aux caractéristiques qui distinguent le Cloud computing des solutions traditionnelles.
Selon l’AFDEL, elles sont au nombre de 5 :
-L’abstraction et la mutualisation des ressources matérielles et logicielles ;
-L’élasticité immédiate de l’allocation des ressources matérielles en fonction des besoins pour maintenir un niveau de performance optimale en permanence ;
-L’ubiquité des accès aux services : vos applications sont disponibles en tout lieu « connecté » sur la planète sur tous les supports (PC-Mac, smartphone, tablette, télévision…) ;
-Un mode de paiement flexible sous forme d’abonnement privilégiant le paiement à l’usage ;
-Une architecture multi-tenant : c’est le critère essentiel des solutions Cloud. En clair, cela veut dire qu’une même instance d’un logiciel peut être utilisée en même temps par plusieurs entreprises clientes.
Pour les deux premières caractéristiques, nous parlons simplement d’hébergement des logiciels chez un hébergeur professionnel externe. Rien de nouveau sous le soleil. Cette solution existe depuis au moins quinze ans. Les clients sont libres de choisir leur hébergeur et peuvent externaliser, à leur convenance, tout ou partie de leur système d’information.
Pour la troisième caractéristique, notre architecture n-tiers, orientée services (SOA) avec des Interfaces hommes-machines (IHM) en mode full web et responsive-design pour certains usages répondent parfaitement à l’objectif cité.
Mais attention, les promoteurs du Cloud pensent que nous pouvons tous travailler en mode « connecté » en tout lieu sur la planète. Cette hypothèse est malheureusement inexacte. Les clients demandent, de plus en plus, de pouvoir travailler en mode déconnecté ! Nous ne sommes pas certains que les solutions « Cloud » aient prévu cet usage…
Pour le mode de financement (critère n° 4), nous sommes très circonspects sur les arguments avancés. Les clients savent prendre une calculatrice et quand bien même ces derniers ne payeraient que 10, 20 voire 30 € par mois (en mode locatif) à multiplier par le nombre d’utilisateurs et un temps de détention supérieur à 5 ans voire 10 ans pour un ERP. Le rapport est sans commune mesure avec l’acquisition de droits d’usage unique. Dans une étude de panorama consulting group, le seuil se situe à 3,5 ans. Les autres arguments visent à présenter le mode locatif en tant que charge alors que l’acquisition de licences est à l’actif du bilan et valorise de ce fait l’entreprise.
Enfin, le fait d’avoir une architecture multi-tenant (critère n° 5) est le critère réellement différenciant. Ce critère rend, à notre sens, impossible le passage de l’ERP en mode Cloud. Pourquoi ?
Pour expliquer cette affirmation, nous devons préalablement donner notre définition du mot ERP (ou PGI). Pour nous, l’ERP est un progiciel de gestion intégré complet au niveau fonctionnel; de la prospection commerciale jusqu’à la comptabilité générale, budgétaire et analytique intégrée. Nous avons une vision systémique de la gestion d’une entreprise où l’ERP est la colonne vertébrale du système d’information. D’autres applications internes ou externes (des clients et/ou des fournisseurs) peuvent communiquer avec lui, via des interfaces. Tous les collaborateurs de l’entreprise, mais aussi les clients et les fournisseurs utilisent l’ERP, en fonction de leurs responsabilités et prérogatives. L’ERP centralise toutes les données stratégiques, opérationnelles et financières de l’entreprise.
A qui s’adresse l’ERP tel que nous venons de le définir ?
De par son étendue fonctionnelle et le coût complet lié à sa mise en place, l’entreprise doit avoir atteint une certaine taille et une certaine maturité dans ses besoins de gestion pour apprécier sa valeur ajoutée et décider d’un investissement important pour un minimum de dix années. Nous parlons donc des PME (entre 25 et 250 collaborateurs), des ETI (Entreprise de taille intermédiaire, entre 250 et 5 000 collaborateurs) et des grands comptes.
Pour ces entreprises, il est inimaginable, comme le dicte le modèle « Cloud », de leur imposer, tous les jours, des versions correctives ou majeures, sans tests préalables et sans formation aux nouveautés.
Certaines applications de gestion en mode « Cloud » usurpent trop facilement, à notre sens, le terme ERP. Ces solutions de gestion simplifiée s’adressent en réalité aux startups et aux TPE (moins de 10 salariés).
Les moyens financiers et le coût de sortie des clients ciblés sont très faibles. La volatilité des clients cibles est donc très forte. Les éditeurs de solutions « Cloud » ont nécessairement une stratégie de volume, clef économique de leur survie, et ils doivent attendre, à minima, cinq années, selon l’étude de l’AFDEL avant d’espérer devenir rentables. Le n° 1 mondial du Cloud Computing ne l’est toujours pas…
Conclusion, la première question que doit finalement se poser un éditeur d’ERP est : est-ce que je souhaite lancer une nouvelle activité à destination des startups et des TPE avec une stratégie de volume en appliquant le modèle « Cloud » ? La décision de réécrire sa solution ne sera que l’une des nombreuses conséquences de ce choix.
Une question à méditer, donc…