Par Henri Seroux, Directeur Général France de Manhattan Associates
Les distributeurs du monde entier s’inquiètent de voir leurs magasins physiques se transformer en véritables « showrooms » de leurs concurrents en ligne. Et leur crainte est légitime. Le cabinet d’études Gartner indiquait récemment que les opérations de paiement mobiles mondiales dépasseront 171,5 milliards de dollars cette année, contre 106 milliards de dollars l’an dernier. Et pourtant ce chiffre comprend seulement les paiements mobiles et n’inclut pas l’ensemble des paiements sur internet. Plus globalement, l’augmentation du commerce mobile suit le rythme de croissance des achats en ligne, mais c’est l’utilisation des smartphones qui a permis l’explosion du phénomène du showrooming.
L’essor du showrooming dans le monde de la distribution
Le showrooming consiste à entrer dans un magasin à la recherche d’un produit en particulier, puis le prendre en photos ou le scanner, pour partir et finalement l’acheter en ligne à un prix inférieur à celui affiché en magasin.
Best Buy, magasin en ligne et détaillant spécialisé en électronique grand public, en est l’illustration parfaite puisqu’il a été l’un des premiers distributeurs à jouer le rôle de showroom pour Amazon. Ainsi le site e-commerce n’a pas à faire face aux nombreuses problématiques d’une boutique de vente au détail. Il n’a pas à gérer le local commercial ni l’équipe de vente sur site. Amazon, comme de nombreux autres détaillants en ligne, n’est pas un marchand ou un commerçant. Distributeur au sens propre du terme, son approche commerciale est très différente de celle du magasin de détail.
Le phénomène du showrooming n’est pas prêt de s’arrêter. Il va même continuer de croître. Le futur des commerçants traditionnels dans ce nouveau paysage de la distribution, qu’ils prospèrent ou survivent, dépendra de la façon dont ils répondent aux besoins de leurs clients. « Dans les cas extrêmes, les distributeurs pourraient mettre en place des lasers dans les magasins afin d’empêcher les scanners manuels de fonctionner », selon Wes Shepherd, PDG de Channel QI, fournisseur d’analyse d’informations en ligne. Une entorse au vieil adage « Le client a toujours raison » dès lors que le client devient l’ennemi du distributeur.
Tous les commerçants ne sont pas inquiétés par le phénomène du showrooming. En fait, certains y voient même un effet positif pour les distributeurs. Lors de l’événement annuel Internet Retailer, Brian Walker, Vice-Président de l’e-business et la stratégie de distribution pour Forrester Research, a déclaré que ce n’était pas une question de prix. Au contraire, les clients armés de leurs smartphones sont à la recherche de plus d’informations que les autres. Ce fait est étayé par plusieurs études montrant que de plus en plus de personnes recherchent un produit sur internet avant d’entrer dans un magasin physique. C’est peut-être vrai pour beaucoup de catégories de distributeurs, mais il est difficile de l’expliquer à un vendeur de produits d’électroniques grand public comme les téléviseurs, où le prix règne en maître. Dans ce domaine, le showrooming a eu un impact continu sur les distributeurs de grandes chaînes comme Best Buy, qui voient les ventes de produits électroniques décliner. En 2012 jusqu’à présent les ventes de produits électroniques grand public de Best Buy ont diminué de 4,9%, ce qui fait suite à une baisse de 5,9% en 2011, et même si les prix continuent de chuter.
La multiplication des points de vente et de contact
Le showrooming a mis en lumière l’évolution rapide de l’expérience consommateur sur le point de vente magasin au cours des dernières années, en grande partie grâce aux avancées de la technologie. Pour survivre, les chaines de distribution doivent changer leur fonctionnement actuel. Les consommateurs avaient l’habitude de considérer chaque canal de vente comme une entité distincte. Il y avait le magasin, le site Internet, et le service client. Si un consommateur avait une mauvaise expérience sur le site, il ne l’associait pas nécessairement avec le magasin physique. Ce n’est plus le cas. Les distributeurs d’aujourd’hui proposent de nombreux points de contact différents. Certains consommateurs se rendent dans le magasin traditionnel pour être assistés par un vendeur quand d’autres utilisent l’option libre-service, mais ils ont en commun d’être tous dotés d’outils technologiques : Internet, smartphones, tablettes, caisses enregistreuses, ou service client. Les distributeurs doivent donc repenser l’expérience de vente dans sa globalité. Si les consommateurs ont une mauvaise expérience via un canal, cela affecte toute l’entreprise. Les commerçants doivent prendre en compte chaque point de contact pour assurer une expérience de marque cohérente, sur tous les canaux. Cela complique la façon de traiter le showrooming, mais offre également de nouvelles possibilités pour les commerçants de prospérer.
La nécessité d’un système cross-canal global
« Si vous voulez créer une expérience de vente au détail 100% libre-service, alors vous serez nécessairement exposés au showrooming », déclare Brian Kinsella, Directeur Senior de la gestion des produits chez Manhattan Associates. « Pour gagner la bataille contre le showrooming, les détaillants doivent utiliser le privilège de la proximité avec la clientèle ». Dans ce nouveau monde de la distribution cross-canal du n’importe où, n’importe quand, il est essentiel pour les détaillants d’apprendre tout ce qu’ils peuvent sur les désirs de leurs clients et leurs habitudes – à la fois les achats et les retours- et établir un profil de clientèle pour anticiper ce qu’ils pourraient vouloir en fonction de l’historique client Avec autant de canaux à gérer, il y a aussi beaucoup plus de moyens de perdre une vente. Les commerçants ont besoin de construire un système efficace pour la gestion des commandes, reliant tous les canaux et pouvant être utilisé comme repère central pour le commerce cross-canal. Le marchand obtiendra ainsi une vision globale des activités de ses clients, sur tous les canaux.
Selon Mr Kinsella, les détaillants les plus performants sont dotés de smartphones ou tablettes en magasin, ceci afin de faire apparaître l’historique d’un client en quelques secondes et d’adapter ses propositions commerciales aux préférences du client. « Les détaillants souhaitant tirer profit de cet environnement basé sur le showrooming doivent personnaliser leurs relations avec leurs clients »
Quelles autres mesures peuvent prendre les détaillants pour atténuer l’effet showrooming? Selon Michael Fox, Président de la M & M Paper Company en Californie, « La formation commerciale des employés, à savoir leur apprendre à détailler aux clients les avantages de l’achat en magasin plutôt que le paiement des expéditions, l’attente des livraisons, puis la lenteur du traitement des retours »
Collaborer avec les fournisseurs pour vendre en magasins des produits en exclusivité plutôt que sur Internet, peut être une solution. Les petits détaillants proposant uniquement des produits spécifiques à leur base clients auront beaucoup plus de chances de prospérer qu’un commerçant qui vend un large éventail de produits banalisés. En outre, une tarification agressive peut aider à réduire l’écart avec les concurrents en ligne. S’aligner sur les tarifs sur Internet, en incluant l’expédition, peut parfois fidéliser les clients en magasin. Les programmes de fidélisation ont été efficaces, mais doivent être ciblés sur une base de clients connus.
Le showroom lui-même est un différentiateur entre les marchands a prendre en compte en tant que tel. Il peut permettre de créer un magasin de détail comprenant un véritable service personnalisé et centré sur le client.
Le showrooming ne va pas disparaître, mais les commerçants avertis savent qu’ils ont encore l’avantage d’un service personnalisé. Quand un service personnalisé exceptionnel est combiné à un système de gestion des commandes efficace et à un peu de créativité, même le plus petit détaillant peut réussir.
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