Par Pascal Laik, Directeur Général France Informatica
La crise n’épargne pas le secteur du textile et de l’habillement : une consommation en berne et la flambée des cours des matières premières continuent de pénaliser le secteur en 2012. L’INSEE a en effet récemment révélé que la consommation d’habillement a atteint en France son niveau le plus bas depuis dix ans !
Internet reste cependant un vivier de bonnes affaires pour les consommateurs français. Ils y cherchent des tarifs inférieurs à ceux du commerce « physique », contribuant à placer le commerce urbain, dont le déclin est depuis longtemps annoncé, au cœur de la crise économique. Et les conditions météorologiques actuelles n’arrangent rien à l’affaire.
Spécialiste du commerce de détail, Mary Portas n’a pas du tout l’intention de baisser les bras et pousse avec détermination sa vision de ce que devraient être les rues commerçantes de nos villes : « une plaque tournante de la communauté dont les habitants sont fiers et qu’ils veulent protéger ». Elle pense que les commerçants et les autorités locales doivent expérimenter et prendre des risques pour que les centres-villes redeviennent des lieux où les gens ont envie de passer du temps.
Socialisation virtuelle en cabine d’essayage
En permettant aux consommateurs de commenter et ainsi d’influencer les lignes de produits, les commerçants traditionnels peuvent revitaliser la relation qu’ils entretiennent avec leurs clients. Des technologies innovantes, comme les cabines d’essayage virtuelles, associées aux médias sociaux, pourraient totalement transformer l’expérience du shopping.
Les acheteurs auraient la possibilité d’avoir l’avis de leurs amis lorsqu’ils essaient des vêtements, puis pourraient essayer virtuellement les articles suggérés par ces amis grâce à un miroir qui serait en fait un écran tactile.
Inciter des amis à partager leurs expériences de shopping n’est qu’un début. Impliquer les consommateurs dans la conception des produits et les choix de collections peut être un bon moyen d’optimiser le ratio stock/ventes et de contenir les dépenses d’exploitation. Au fil du temps, cela pourrait même modifier les tendances de la mode puisque que c’est la demande elle-même qui déterminerait les gammes saisonnières et les décisions d’achats des commerçants. Certains détaillants font d’ores et déjà équipe avec les consommateurs pour identifier de nouvelles sources de revenus et développer leur avantage concurrentiel.
Transformer les « amis » des clients en clients
Le social retailing, ou commerce de détail « social », ne se limite pas aux cabines d’essayage d’un nouveau genre. Il s’agit de quelque chose de beaucoup plus large, qui englobe la manière dont un détaillant gère les conversations avec ses clients, les moyens qu’il leur donne de s’exprimer sur ses lignes de produits et de partager des offres avec leurs amis, et ce qu’il peut apprendre de ces conversations.
Le potentiel est énorme. Facebook a aujourd’hui +900 millions de membres et l’utilisateur moyen compte 137 « amis ». Les commerçants ont à portée de main un nouveau levier pour faire revenir les clients – anciens et nouveaux – dans leurs magasins en influençant les amis de leurs clients sur Facebook.
Un client qui dépense peu dans votre magasin prend instantanément beaucoup plus de valeur s’il partage son expérience avec ses amis sur Facebook. Rien ne vous empêche de saisir cette occasion au vol pour offrir à ses amis des bons d’achats dans votre magasin, également via Facebook.
Le social retailing recèle un réel potentiel pour accroître les ventes en permettant aux consommateurs de recommander des produits aux membres de leurs réseaux sociaux et en donnant à leurs amis la possibilité de voir les choix qu’ils font en magasin. Il a aussi le pouvoir d’accroître l’engouement pour une marque à travers des communautés d’adeptes qui contribuent à attirer de nouveaux convertis.
Il n’y a pas que Facebook. Par exemple, sur le site communautaire artofthetrench.com de Burberry, les clients de la marque peuvent poster des photos d’eux portant des produits Burberry, et noter et/ou faire des commentaires sur les photos des autres via Facebook Connect.
Amazon utilise les fonctionnalités de réseau social du Kindle pour renforcer l’engagement des clients et collecter des informations utiles sur le marché, en offrant aux utilisateurs la possibilité de partager des bibliothèques virtuelles pour que leurs amis voient ce qu’ils lisent ou projettent de lire. De leur côté, Adidas et Nike permettent aux clients de personnaliser leurs chaussures de manière ludique sur les microsites Mi Adidas et NikeiD.
Apprendre à lire et écrire sur le mur
Dès lors que les détaillants sont autorisés à entrer dans les communautés en ligne de leurs clients, ils sont instantanément exposés à ce que les consommateurs disent d’eux. Cela leur fournit une foule d’informations et les rapproche d’une vue à 360° de ce que le client veut et de comment, où et quand il le veut.
Le défi est d’arriver à relier les informations que les clients laissent sur Facebook et Twitter avec leur schéma de fidélité et leurs habitudes d’achats pour créer une vue unique de chaque client – une vue à partir de laquelle il devient possible de personnaliser les contenus de manière à inciter individuellement chaque client à venir et revenir dans les magasins.
Tout cela paraît très prometteur pour l’avenir de la vente en magasin mais ne se concrétisera que si les détaillants utilisent les données sociales et les préférences des consommateurs pour informer les clients, rationnaliser leurs produits et leurs offres et exécuter les commandes reçues via les différents canaux. C’est en intégrant et en synchronisant ces données pour ajuster leurs approvisionnements que les commerces de détail peuvent trouver un second souffle et améliorer leur marge bénéficiaire.
En faisant du shopping une expérience unique et séduisante à nouveau, le commerce de détail a une chance de ramener les clients vers les magasins et les zones commerçantes. Mais cette perspective de profit dépend fondamentalement de la capacité à accéder à l’intelligence du marché qui se cache dans les masses de données désormais à portée de main, mais qu’il faut savoir décoder et exploiter.
Pour Mary Portas, la revitalisation et la renaissance de nos centres-villes passent, d’une part, par la construction de communautés locales et, d’autre part, par un service client en tous points exemplaire. Et pour les deux, la clé est la même : il faut avoir les bonnes données.
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