Ça va mal pour la grande distribution spécialisée… Après la Fnac hier 9 octobre, qui, faute d’avoir trouvé un repreneur, va sortir du giron de PPR pour être introduit en Bourse à la recherche d’investisseurs, c’est au tour de Surcouf aujourd’hui. Et son cas est infiniment plus grave…
En redressement judiciaire depuis la fin février, l’enseigne appartenant à Hugues Mulliez n’a pas – malgré l’optimisme affiché et maintes fois réitéré de celui-ci – trouvé de repreneur. Surcouf a été placé dès ce mercredi placé en liquidation judiciaire avec 379 personnes sur le carreau…
Un représentant du comité central d’entreprise, désirant conserver l’anonymat, avait expliqué plus tôt dans la matinée : « Aucun repreneur ne s’est présenté, ce qui signifie que le mandataire judiciaire va demander la mise en liquidation de Surcouf mercredi au tribunal de commerce ».
Dans le dur, puis dans le mur…
Concurrencé sur le terrain des prix par le Net, bousculé par les réseaux propriétaires (notamment les Apple Store), en perte de vitesse pour cause de pouvoir d’achat en berne des français, Surcouf a collectionné au fil des ans les difficultés.
En 2010, en dépit d’un chiffre d’affaires de 160 millions d’euros, le groupe avait affiché une perte nette de 20 millions d’euros ! Dans un premier temps, Hugues Mulliez avait tenté en juin 2012 de redresser la barre en cédant trois de ses magasins à Paris, Bordeaux et Lille. En pure perte…
L’opération se soldant par échec retentissant, le fils du patron du groupe Auchan avait alors déclaré: « Malgré de nombreux contacts et échanges avec de potentiels repreneurs, le délai court imparti et la complexité des cessions de baux n’ont pas permis de répondre à nos attentes. »
Puis le tribunal de commerce avait prolongé la période d’observation de l’enseigne, permettant à sa direction de renouveler ses efforts afin de trouver un repreneur viable. La mission semblait difficile… Elle est devenu carrément impossible…
La liquidation a été confirmée ce mercredi après-midi, et 379 personnes encore en poste chez Surcouf vont être prochainement licenciées, à l’instar de ce qu’ont connu il y a quelques semaines les salariés du groupe eBizcuss. Ce, après que l’activité ait pu se poursuivre (mais dans quelles conditions ?) jusqu’au 30 novembre 2012.
Les personnels sont abasourdis ou très remontés contre leur direction. Christophe Desmoires, délégué CGC de Surcouf qui a été cité par divers médias, est bouleversé par la décision du TdC de Lille : « Ce qu’on craint, a-t-il expliqué, c’est que quelqu’un vienne racheter les actifs de l’enseigne après liquidation pour pouvoir continuer sans les salariés ». Certains salariés évoquent « Un énorme gâchis » et « l’incompétence des dirigeants » ou encore « une gestion calamiteuse » sous l’ère Mulliez.
Au-delà du cas Surcouf
Les faillites en série dans la distribution IT spécialisée montrent qu’il y a un réel problème, au-delà des erreurs de gestion ou de stratégie. En avril 2012, une étude de Canalys prédisait un avenir des plus sombres aux géants de la distribution IT grand public.
Le cabinet d’études expliquait alors que la Fnac, Surcouf et leurs homologues du monde entier (il ne s’agirait donc pas d’un problème franco-français mais bien d’un problème global) allaient sans doute disparaitre à l’horizon 2020, concurrencés qu’ils sont par les e-commerçants et les hypers généralistes.
De fait, les acteurs américains dans la GSS ont été « précurseurs » – si l’on peut dire – en la matière : on se souvient des cas retentissants de Best Buy Europe, de Circuit City ou encore de CompUSA.
Steve Brazier, CEO de Canalys, expliquait lors de la sortie de son étude : « Ils sont frappés à la fois par la concurrence du commerce électronique et celle des supers et hypermarchés. En outre, ces distributeurs ont perdu des parts de marché face à des compétiteurs qui proposent des prix plus intéressants. Par ailleurs, ils se sont montrés incapables de répondre aux services d’un un Amazon, par exemple, qui propose un stock très étendu, des recommandations d’achats, une livraison gratuite et un excellent système de retour des produits. »
Qu’aurait du (ou pu) faire Surcouf pour échapper à la liquidation ? Pas évident de répondre à cette question, même si l’on peut comprendre le désarroi des personnels de Surcouf.
Il faudra suivre l’introduction en bourse de la Fnac – qui, comme on le sait, ne donne pas que dans l’électronique grand public mais aussi dans la vente de biens culturels, qui ne se porte pas mieux -, pour savoir si on peut encore légitimement vendre en France des produits high-tech dans de « vrais » magasins et non pas uniquement par Internet…
Voir à ce sujet, les articles suivants sur ChannelBiz.fr :
– Surcouf voit sa période d’observation prolongée
– eBizcuss, la fin d’un acteur qui comptait
– Canalys prédit la disparition des distributeurs physiques d’EGP dans les 5 ans