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La vente dématérialisée de logiciels d’occasion est légale… sous certaines conditions

Par Henri Leben – Avocat associé – Colbert Paris

 

Coup de tonnerre dans l’industrie dématérialisée

Dans cette affaire, la société Oracle reprochait au site Internet UsedSoft de revendre des licences d’utilisation de ses logiciels, acquises auprès d’utilisateurs anciens clients de l’éditeur. Oracle estimait que les licences concédées à ses utilisateurs ne pouvaient ensuite être cédées à UsedSoft. Selon Oracle, en vendant ces licences à de nouveaux utilisateurs, UsedSoft portait atteinte à ses droits et les licences vendues ne pouvaient en aucun cas être considérées comme valablement concédées.

Au centre des débats, la Cour de justice devait s’interroger sur la notion  » d’épuisement des droits  » appliquée au marché de la vente dématérialisée de logiciels.

Au titre de cette notion – centrale en matière de propriété intellectuelle – le titulaire de droits de propriété intellectuelle afférents à un bien (en l’espèce, un logiciel) ne peut pas s’opposer à la revente de ce bien, une fois qu’il a été introduit sur le marché communautaire avec son autorisation. Autrement dit, c’est bien le titulaire des droits qui définit les modalités de la première vente, mais les reventes effectuées par les propriétaires successifs lui échappent totalement.

Dans le cas présent, la Cour a estimé qu’Oracle avait épuisé ses droits sur les logiciels et que les utilisateurs pouvaient donc légitimement céder leurs licences à UsedSoft qui pouvait, à son tour, les revendre à de nouveaux utilisateurs.

Dont acte.

Mais en réalité, la décision de la Cour de justice doit être fortement nuancée. En premier lieu, elle ne doit en aucun cas être considérée comme un blanc sein donné à la revente de logiciels d’occasion. Plusieurs conditions sont en effet posées. En premier lieu, pour que la revente soit valable, il est nécessaire de démontrer qu’il y a bien eu épuisement des droits. A ce titre, la Cour de justice prend soin de constater que les clients d’Oracle ont conclu une licence d’utilisation avec Oracle en se connectant sur son serveur. Les logiciels n’ont donc pas seulement été vendus, mais la vente a été accompagnée de l’acceptation des conditions générales d’Oracle par les utilisateurs, avant installation sur leurs postes. Ensuite, pour être faite valablement, la revente du logiciel implique que celui-ci soit désinstallé par l’utilisateur avant intervention de la cession. Enfin et surtout, la revente du logiciel n’est possible que tant que la licence est en cours. La solution dégagée n’est donc valable que pour les licences concédées sans limitation de durée. Une licence concédée pour une durée d’un an, ne peut bien évidemment être valablement cédée par l’utilisateur au-delà de douze mois.

Cette décision ne constitue également en aucun cas une validation des pratiques mises en place par certains acteurs, qui visent à détourner les circuits de distribution utilisés par les éditeurs. La Cour de justice n’était en effet pas interrogée sur le caractère légal ou non de ce type de pratiques. Le contentieux ne portait pas davantage sur les problèmes de transparence ou de publicité mensongère, UsedSoft indiquant clairement sur son site l’origine des licences revendues. Enfin, la Cour de justice a répondu exclusivement aux questions qui lui étaient soumises. Le risque d’une décision ultérieure, interdisant la revente de logiciels d’occasion sur la base d’autres fondements juridiques, ne peut donc être totalement écarté.

Reste que, sous réserve du respect des conditions énumérées ci-dessus, les licences dématérialisées peuvent aujourd’hui être revendues par leurs acquéreurs initiaux. Cette possibilité est évidemment à intégrer par les éditeurs de logiciels, et en particulier, par les éditeurs de jeux vidéo, jusqu’à présent relativement frileux à autoriser ce type de pratiques.

Il est probable que de nombreux contentieux verront le jour dans un avenir proche, opposant revendeurs de licences et éditeurs, soucieux d’éviter la baisse de leurs revenus. Les décisions à venir devront être analysées avec soin afin de déterminer plus précisément les droits et obligations respectifs des distributeurs  » originaux  » et distributeurs  » d’occasion « .

(source: AFJV)

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Gérard Clech

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