L’intégration des Y dans le monde du travail représente un lourd chantier pour les entreprises. Ces collaborateurs imposent à leurs employeurs des modes de management inédits, amenés à devenir plus directs, plus horizontaux, plus informels, plus décomplexés. Il ne s’agit plus de les faire entrer dans un cadre traditionnel qui leur est désormais largement inadapté, mais de cultiver leurs traits de caractères, dans un sens qui soit compatible avec le projet et les valeurs de l’entreprise.
Un avis d’expert de Soria Boucebaine, Responsable RH Ysance
Ils sont la bête noire des DRH. Vingtenaires et jeunes trentenaires, ils forment la génération dite « Y ». On les dit indépendants, infidèles, indociles, impatients, individualistes et ultra-connectés. Contrairement à leurs aînés, ils croient en la compétence prouvée et non plus dans les schémas hiérarchiques traditionnels. Ils iraient parfois jusqu’à déstabiliser leur direction, en la poussant à se justifier à force de remises en question.
Mais ces traits de caractères ont une contrepartie, bien utile, celle-là. Loin du stéréotype du geek, ils seraient dans l’audace, dans l’initiative, dans la recherche de sens, dans la force de proposition permanente. Bref, une attitude impliquée bien différente de celle de leurs parents, censés cultiver un rapport plus conventionnel et distant avec leur travail. Et un profil assez peu compatible avec le modèle classique des SSII, réputé figé et impersonnel, où chacun ne serait que le pion anonyme d’un organigramme vertical qui le dépasse.
Sauf à se couper de précieuses ressources, les entreprises n’ont pas d’autre choix que de s’adapter à cette nouvelle donne. Et les changements à mettre en œuvre ne sont pas minces. Car en réalité, ces collaborateurs d’un nouveau genre imposent à leurs employeurs de modifier en profondeur leurs modes de management et d’incentive. Non pas en allant à l’encontre de leur nature, au contraire, mais en admettant leurs spécificités et en leur permettant de s’accomplir pleinement. Non pas en les forçant à entrer dans un cadre de travail traditionnel qui leur est inadapté, mais en leur offrant les moyens et le climat adéquats pour cultiver leurs traits de caractères, dans un sens qui soit compatible avec le projet et les valeurs de l’entreprise. Bref, en leur donnant, pour recevoir en échange.
Tentons quelques pistes… L’adhésion à l’entreprise peut être récompensée de façon plus ludique et moins formelle. L’idée est de rendre agréable ce qui est habituellement considéré comme une contrainte. Par exemple, en décernant des « miles » aux consultants qui effectuent le plus de kilomètres dans l’année, ou encore en offrant des voyages au bout du monde pour les consultants qui facilitent le plus la cooptation.
Certaines entreprises de la Silicon Valley vont même plus loin pour tester la motivation et la fidélité de leurs salariés à priori d’un nouveau collaborateur, en proposant à toute nouvelle recrue une somme d’argent à la seule condition que celle-ci… quitte l’entreprise. Une pratique controversée mais qui en cas d’acceptation de cette somme ne ferait qu’anticiper une décision de départ qui serait advenue de toute façon et fait finalement gagner un temps précieux (de formation, de ressources administratives…) à l’entreprise.
Au-delà des seules gratifications pécuniaires, la vie de l’entreprise peut et doit être « événementialisée » à de nombreuses occasions (arrivée, anniversaire, signature d’un contrat…) et autour de loisirs communs (afterwork, karting, soirée jeux vidéo…) pour développer la cohésion.
Car connectés en permanence, ces collaborateurs décloisonnent tous les pans de leur vie, dont les frontières s’effacent peu à peu. A l’instar de leur vie privée, ils demandent donc à leur cadre professionnel de leur laisser un accès total aux réseaux sociaux mais aussi de leur fournir de véritables outils d’échanges collaboratifs (wiki, réseaux sociaux d’entreprise…), qui leur apportent une proximité et une possibilité de dialogue direct avec l’intégralité des collaborateurs de l’entreprise, sans aucune barrière hiérarchique.
Enfin, ces modes de management sont un « work in progress » permanent. Toujours en chantier, jamais achevée, l’organisation du travail doit être le fruit d’une démarche empirique, à laquelle chaque collaborateur s’implique et apporte ses propres idées, affectant à la DRH un rôle d’animateur et d’organisateur.
A ces conditions, et à ces conditions seulement, l’entreprise pourra obtenir de ces nouveaux collaborateurs une implication optimale et une acceptation du rythme de travail imposé dans ce secteur, ponctué de fortes montées en charge. Levier d’efficacité et de dynamisme, ces ressources sont donc une opportunité inédite, pour qui sait utiliser à plein leurs capacités à travers un mode de management décalé et un climat social enfin décomplexé. Et en plus, c’est sympa !