Les professionnels du Web sont familiers avec les outils du E-Commerce, mais sans que l’efficacité de chacun d’entre d’eux soit attestée scientifiquement. Une étude de Christophe Haon et Chirag Patel, professeurs au département marketing de la Grenoble Ecole de Management, apporte des lumières intéressantes.
Tous les outils des professionnels du E-Commerce ne sont pas égaux, ou pour paraphraser Orwell « certains sont plus égaux que d’autres »… Et hormis le référencement payant, pas simple de dénicher la potion magique qui permettra à un site de se voir propulsé au sommet.
Une étude de Christophe Haon et Chirag Patel, professeurs au département marketing de la Grenoble Ecole de Management, s’est attaquée au problème. Ceux-ci ont analysé statistiquement l’influence de sept outils sur le chiffre d’affaires et la croissance des 500 plus grands sites de commerce électronique américain. Blogs, référencement payant et naturel, campagnes e-mail, sites mobiles, widgets, podcast et réseaux sociaux ont été passés à la moulinette des chiffres. Si certains résultats semblaient intuitivement évidents, d’autres réservent des surprises !
Au fond des choses : ce qui influence le CA des sites
Avant d’analyser ces sept outils, les chercheurs ont déterminé quels facteurs (satisfaction client, panier moyen, visiteurs uniques…) influencent le plus le chiffre d’affaires et sa croissance dans les sites de E-Commerce étudiés. Leurs trouvailles sont intéressantes. Ainsi on ne s’étonnera pas que le facteur le plus important pour le chiffre d’affaires soit le nombre de visites totales, suivi par le nombre de visiteurs uniques. Loin derrière viennent la satisfaction des visiteurs et les intentions d’achat (presque à égalité) tandis que le taux de conversion, le nombre de ré-acheteurs et même le panier moyen n’ont qu’une influence minime. La croissance du CA est en revanche totalement indépendante du nombre de visites (avoir une grosse audience n’aide pas à attirer encore plus d’internautes). En fait, les seuls facteurs qui semblent l’influencer sont les intentions d’achat et la satisfaction des visiteurs.
Dès lors, ce qui parait important, c’est de déterminer parmi les outils étudiés ceux qui permettent d’augmenter le trafic, la satisfaction des visiteurs, et les intentions d’achats.
Un secret nommé Google
Pour le trafic, le mystère est déjà éventé. Le référencement payant est – de très loin – le système le plus efficace pour augmenter une audience. Mais le référencement naturel est également important, en particulier pour la fidélité des clients. Les campagnes par e-mails, pourries par le spam, ont en revanche très peu d’influence, à une exception près toutefois : les courriels présentant une incitation directe à visiter le site (offre spéciale, remise ou cadeau) demeurent très efficaces.
Plus surprenant, parmi tous les autres outils étudiés un lapin sort du chapeau: les widgets. La possibilité que ces petites applications offrent de surveiller en permanence les changements sur le site (prix, disponibilité, offres…) augmente sensiblement la probabilité de visites pour les sites qui en proposent.
Comment augmenter la satisfaction des visiteurs et les intentions d’achat ?
Mais le trafic, comme on l’a vu, n’est pas le principal critère de croissance du CA pour les 500 plus grands sites de E-Commerce américains. La fidélité des acheteurs ou la réponse de ces derniers aux sollicitations des sites sont aussi à considérer. Ainsi, les blogs, étonnamment, sont les seuls outils à avoir une influence forte sur la satisfaction des visiteurs. Ils contribuent à augmenter la fidélité et les taux de ré-achat. Plus encore, ils ont un effet important sur les intentions d’achat (uniquement pour les « pure-players » néanmoins). Il en va de même pour les podcasts. Les enseignes profitant d’une distribution « brick-and-mortar » ne profite pas de cet effet, et se trouvent même handicapés par les podcasts vidéo.
En échange, le multi-channel, mêlant magasins physique et présence en ligne, profite naturellement d’une satisfaction des visiteurs significativement supérieure à celle des « pure players ». Il apparait en fait que blogs, podcasts et réseaux sociaux sont un moyen de se passer de magasin physique. Reste que cumuler présence physique et outils Web de communication avec la clientèle n’apporte que peu d’avantages.
Mais pour tout le monde, quel que soit les canaux utilisés, booster les intentions d’achats nécessite désormais un passage par la case « commerce mobile » (m-commerce). Son influence est grandissante (+25% d’intentions d’achat pour les sites en bénéficiant, comparé aux sites ne l’utilisant pas…). De plus, les chercheurs notent que – même si les chiffres ne l’étayent pas encore -, le Web mobile pourrait également bientôt avoir une influence sur le trafic, à mesure que la technologie se banalise.
En revanche, les réseaux sociaux proprement dits n’auraient qu’une influence très limités sur les différents critères étudiés, à part pour les sites généralistes et pure-players. Les chercheurs en sont les premiers surpris. Ils avancent une explication qui reste à corroborer à l’avenir : « Les sites généralistes permettent peut-être justement d’échanger autour d’un plus grand nombre de catégories de produits, sans avoir à fréquenter autant de sites. »
En conclusion, les chercheurs soulignent qu’à quelques exceptions près (avec le référencement payant largement devant, et dans une moindre mesure blogs et M-Commerce), les sept outils analysés ont des effets modestes. « Ceci souligne la nécessité d’une politique diversifiée, s’appuyant sur une palette d’outils afin d’en cumuler les bénéfices » résument les chercheurs.
L’article complet de Christophe Haon et Chirag Patel, « Création de trafic, expérience de navigation et performance commerciale : ce que nous apprennent les 500 plus importants sites marchands américains, » est disponible sur le site la revue académique Systèmes d’Information et Management.
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