Responsable ventes et avant-ventes chez Bull, Boris Auche co-anime, avec Véronique Torner (Alter Way), le deuxième CIO Summit (le 30 septembre) de l’Open World Forum. La conférence exclusivement adressée aux DSI abordera les thèmes des évolutions de la gouvernance, la pérennité des solutions, du support, de l’animation d’une communauté, etc., face à la démocratisation du modèle open source dans l’entreprise. Pour Silicon.fr, il revient sur les implications du libre dans les organisations.
En quoi l’open source a-t-il modifié l’organisation de l’entreprise ?
Boris Auche: Si je considère les évolutions depuis 2004, en terme de développement, on est passé d’équipes locales aux équipes distribuées, , d’une organisation ‘onshore’ puis ‘nearshore’ et enfin ‘offshore’. Pour sa part, Bull a mis en place le ‘Virtual shore’, outillé sur la base de produits open source, soit la capacité de travailler de manière totalement déportée. Aujourd’hui avoir un centre de développement en Bulgarie ou en Chine est devenu naturel. Il y a quelques années, on passait pour des originaux quand on parlait d’open source. Et le mot «communautaire» était assez connoté Woodstock. Ce n’est plus le cas.
Mais les DSI s’intéressent-ils pour autant plus à l’open source ?
L’an dernier, en organisant le premier CIO Summit dans le cadre de l’Open World Forum, nous, Bull, Accenture et Alterway, avons eu du mal à trouver des interlocuteurs pour animer les conférences. Cette année, nous avons constaté beaucoup de volontarismes et de gens disponibles. Ils ont activement contribué à l’élaboration du programme. Pour notre part, nous avons presque été réduits à un rôle de contributeur de contenu, voir de logisticiens!
« L’open source devient un mode de valorisation de l’organisation »
Comment expliquer ce retournement en un an ?
Autrefois, l’open source était assez cachée dans les systèmes. Certes il y avait quelques solutions Linux mais elles ne touchaient pas les grosses applications issues de l’époque Unix, notamment. Aujourd’hui l’open source est beaucoup plus visible. En devenant très visible, il devient un mode de valorisation de l’organisation. Il lui prête ses capacités de souplesse et d’agilité, éléments majeurs de différenciation face à l’évolution de son secteur. En bénéficiant de cette agilité, l’entreprise se met à son tour à contribuer au développement des briques open source qu’elle veut utiliser. Pour celle qui le maîtrise, le modèle open source peut constituer un avantage concurrentiel. Aujourd’hui, les grandes administrations, voire les banques et les assurances, font la promotion de l’open source.
D’autre part, l’open source se banalise parce qu’il est accessible à tous depuis le début. Aujourd’hui, de l’ERP au décisionnel, de la gestion électronique de documents au transactionnel lourd, on peut tout faire avec l’open source.
Dans ce cas, pourquoi les solutions propriétaires sont-elles alors toujours aussi présentes sur le marché?
D’abord, le propriétaire bénéficie d’une importante base installée. De plus, il offre un choix structurant en limitant l’accès à un interlocuteur unique. SAP, par exemple, permet l’accès à l’éditeur de manière privilégiée. Aujourd’hui l’open source est encore vu comme une voiture livrée en pièce détachée. Si on la monte mal, on ne va pas risquer d’y transporter ses enfants. Cependant aujourd’hui, il y a des gens, des sociétés qui font cette intégration àn votre place.
D’autre part, le propriétaire propose des modules métiers. Ce n’est pas encore le cas en open source, pas de manière généralisée même si, à l’image de l’Adulact qui délivre des applications métiers pour les collectivités, cela prend forme. L’industrie automobile réfléchit à des applications métier open source. L’Entente Oya propose des instanciations pour ERP open source dans l’industrie agro-alimentaire. Je pense que les applications métiers open source vont se développer.
Enfin, la grande difficulté est d’organiser le partage. Contribuer est complexe. Il ne faut pas seulement avoir le sens de l’organisation, c’est un métier. Il faut des spécialistes pour organiser une communauté. Regrouper des éléments d’applications pour faire une solution robuste, ce n’est pas facile. La pérennité d’une solution open source exige une taille de marché critique et un business model adapté.
Justement, que répondre aux entreprises qui ne voient pas comment faire de l’argent avec l’open source ?
La question reste un des thèmes central des DSI: quelle est la pérennité d’une solution si elle est gratuite? Donc, sous entendu parfois, si elle ne “vaut” rien? La valeur de l’open source ne peut pas être simplement son coût, c’est aussi son agilité, sa souplesse, son ouverture, sa standardisation, etc., et l’ensemble de tout ces éléments fait que les entreprises y trouvent leur compte et sont prêtes à payer. Quand on dit que l’open source est un moteur de l’innovation, ce n’est pas un slogan, c’est une réalité. L’offre HPC Bull est composée à 85% d’Open Source, et a été primée meilleure solution HPC au monde en 2009 par la revue de référence HPCWire (détails ici). Nous n’aurions pas pu le faire en propriétaire à cause du coût d’entrée. Celui de l’open source pour l’innovation est très faible. Chacun est sensé pouvoir travailler avec son voisin. L’objectif est d’éviter l’effet «lock-in». Chaque projet ne cherche pas à créer des dépendances et donc publie ses interfaces, ce qui est le meilleur moteur de standardisation. Tout le monde va dans le même sens, ne pas bloquer l’autre. Et la mesure du succès, c’est la pénétration du marché par le nombre de téléchargements de l’application. Par exemple, chez nous, un développeur a écrit JavaMelody, un monitoring d’applications Java. Il l’a posté sur GoogleCode et ça marche super bien. Des grandes sociétés l’utilisent aujourd’hui: Logica, SNCF, Oracle, Cisco, Siemens, Orange UK, Garmin, Accor…
Quels seront les thèmes porteurs au CIO Summit?
Cette année, il y aura une activité autour des forges, un thème plutôt technique, destiné aux directions des études. Mais les thèmes centraux seront axés sur la pérennité des solutions, la gouvernance, le support, la contractualisation. Car si la conscience vient d’en bas, l’autorité vient d’en haut. Il est important que la DSI maîtrise la dimension de gouvernance du système d’information. Aujourd’hui, le DSI n’a plus la même place qu’avant. Avec la présence à ses côtés d’utilisateurs métiers, sources de financement de projets, il assure essentiellement les développements et l’intégration des projets dans le SI. L’innovation raccourcit les temps de mise en projet et les cycles de décision. La question de l’intégration demeure un vrai problème à sa mesure. Par exemple, si on a besoin de monter un SLA (service level agreement), la solidité du composant sera critique, ce qui induit un dynamisme communautaire critique, etc. Ce qui impose une méthodologie dans les choix qui vont s’exprimer dans les règles de gouvernance.
« En Europe nous bénéficions de la flottille Talend, Nuxeo, Exo Plateform, Bonitasoft, Alfresco… »
Comment Bull aborde l’open source ?
Nous avons défini l’offre Libre Energie dans quatre domaines propres aux besoins: Libre Service qui permet de développer des applications open source à partir de solutions open source : Jboss, Jonas, E
clipse… Dans ce cadre, nous avons créé l’offre NovaForge; LibreEchange pour remplacer les composants propriétaires utilisés dans les applications par des composants open source (par exemple Websphere vers Jboss) afin de réduire les coûts de licences et de support; Libre Accès, une offre de support de composants open source comparable aux offres de support propriétaire; et Libre Entreprise, offre d’intégration de solutions open source dans le SI (par exemple solutions de gestion de contenu, gestion de courrier, bus de services).
Philippe Montargès, qui préside l’ Open World Forum, faisait remarquer que l’Europe n’avait pas de porte-avions européen à la Red Hat. Ne pourrait-ce pas être le rôle de Bull ?
Non car nous sommes constructeur et intégrateur pas éditeur. Mais si, en Europe, nous n’avons pas le porte-avions Red Hat, nous bénéficions de la flottille Talend, Nuxeo, Exo Plateform, Bonitasoft, Alfresco…
Comment voyez-vous l’édition 2011 de CIO Summit?
J’ai deux préoccupations: le retour des ateliers, qui prendra la forme d’un livre blanc; et le choix des thématiques 2011, choisies en fonction de l’évolution du marché, et débattues lors «workshops» qui sont, je crois, une bonne idée.
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