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Comment prendre en compte l’évolution des compétences dans la démarche de conduite du changement d’un projet SAP ?

Par Odile Jousserand*, consultante expert en conduite du changement chez KPF, société de services spécialisée sur SAP.

Les démarches de conduite du changement développent des plans de communication (planification d’actions annonçant le projet, présentations des enjeux, des impacts et de son déploiement pour favoriser la mobilisation) et des plans de formation, qui sont là pour gérer les nouveaux apprentissages.

Le changement ne peut se concevoir qu’accompagné d’un apprentissage : il est primordial de créer toutes les conditions qui vont favoriser et accompagner cet apprentissage. A l’origine de ces plans, des analyses d’impacts et de risques sont menées. Cependant, ces plans d’actions s’appuient rarement sur les attentes, les compétences et le vécu des opérationnels impactés.

Ces démarches sont encore trop souvent focalisées sur le « Comment » changer ou « la mise en œuvre du changement »

La raison de cette approche est simple ; elle s’appuie sur le postulat que les individus résistent toujours au changement. Il s’agit en effet d’une réaction naturelle puisque l’individu a peur de perdre en avantage, en sécurité. Il est un fait reconnu que chacun préfère la stabilité à l’incertitude, le connu à un futur promis… Et d’ailleurs pour illustrer ce principe, il est souvent fait référence à la célèbre courbe de deuil. « C’est donc le manque d’ouverture des utilisateurs qui alimenterait leurs blocages et les empêcherait de voir le changement comme une opportunité ». 

Aussi pour pallier à cela, il convient de rassurer les collaborateurs en communiquant sur la vision, les objectifs recherchés puis de les convaincre des enjeux du projet. Les actions de formation sont aussi programmées pour rassurer le salarié en le formant à l’utilisation des nouvelles fonctionnalités apportées par l’outil. Cependant, ces outils de formation et de communication n’atteignent pas toujours les objectifs escomptés et ainsi, malgré l’accompagnement au changement, on constate de la résistance auprès d’acteurs lors du démarrage du projet.

Et pourtant dans le cadre d’un projet SAP, la nécessité de mettre en place un ERP afin de disposer d’une information unique, fiable, partagée par toutes les fonctions (approche transversale) est admise par tous. L’innovation, apportée par ce type d’outil, qui contribue à des gains de temps, est reconnue. Le futur perçu de la mise en œuvre d’un ERP est plutôt positif.

Par ailleurs, un projet SAP est généralement précédé d’une réflexion sur les processus de l’entreprise. C’est l’occasion de les repenser, les adapter, les rationnaliser. La mise en œuvre de nouveaux processus induit inévitablement des modifications dans les pratiques Métier, les rôles et les compétences des acteurs, voire dans l’organisation des équipes.

Pour mener à bien cette réflexion, il est généralement fait appel aux « utilisateurs clés » qui sont des collaborateurs en charge de représenter leurs pairs. Cette sollicitation a lieu dans le cadre d’un planning bien précis à partir d’une vision très codée et stéréotypée des processus et des tâches avec pour objectif d’entériner les décisions prises et de travailler sur le « comment » de leur mise en œuvre. La participation de ces utilisateurs est très encadrée et très souvent, on ne prend pas suffisamment de temps pour s’intéresser au quotidien des personnes et aux compétences mises en œuvre ; à ce que l’on nomme le travail réel et à ce qui fait son efficacité réelle. Or il est pourtant connu que les compétences sollicitées au quotidien dépassent généralement celles requises et connues des descriptions de poste.

Ainsi, les utilisateurs constatent à postériori les effets non anticipés sur leur situation de travail. Il peut s’agir, par exemple, de la prise en charge de nouvelles tâches dépourvues à leurs yeux de valeur ajouté, d’un accroissement de leur autonomie dans les tâches de saisie ou inversement de plus de contrôles. Le projet est ainsi perçu comme imposé par la direction. Cette impression est souvent confirmée par la constatation que les adaptations apportées aux processus correspondent à la configuration standard de l’ERP.

Face à ce ressenti qui ne peut que générer de la résistance, l’enjeu à relever par la conduite du changement n’est pas qu’une question d’amélioration de savoir faire.

 

Les pratiques de conduite du changement doivent prendre en compte le travail réel, les compétences et l’expérience des collaborateurs, et cela dès l’appréhension des enjeux

Il est effet nécessaire de partager, de communiquer sur l’étude de « l’opportunité » des décisions prises, avant de passer au comment faire, ce qui n’empêche nullement de rester ferme sur la cible. La prise en compte de l’appréciation des collaborateurs sur des questions de fond du changement est nécessaire. Il est important que les « utilisateurs clés » participent réellement à la prise de décision, qu’ils aient le temps de faire participer d’autres utilisateurs en les questionnant sur les choix qui sont en cours d’élaboration et plus particulièrement sur les impacts de ces décisions sur les situations professionnelles . Cette approche est tout à fait en adéquation avec les politiques actuelles des entreprises qui demandent aux salariés toujours plus d’initiative, d’engagement et d’implication.
Ainsi, dès le démarrage du projet, il va falloir gérer un équilibre délicat entre deux logiques : une logique macro liée au projet, à l’organisation et aux enjeux, et une logique micro liée au travail réel, à l’activité mais également à la gestion des compétences.

Je citerai un exemple pour illustrer l’articulation entre ces deux types de logiques : lorsque l’on définit le plan projet on a tendance à privilégier la rapidité du déploiement au détriment de la montée en compétence de l’équipe projet (l’équilibre entre réduire les temps des projets et laisser le temps aux acteurs de ces projets de développer des apprentissages collectifs). Cet arbitrage est pourtant essentiel et peut fortement démotiver l’équipe projet qui se rend compte qu’elle ne pourra acquérir les compétences qui lui auraient permis d’être plus sereine lors du démarrage.

L’évolution des compétences… ou des savoir-être

Les actions menées dans le cadre d’une démarche d’accompagnement doivent permettre de maintenir « la compétence » des personnes vis-à-vis des évolutions qui affectent leur travail et leur environnement. Lorsque l’on parle de compétence, il ne s’agit pas de la réduire aux savoir-faire nécessaires pour utiliser l’outil. La notion de compétence doit être vue dans un sens plus large qui englobe entre autre les savoir-être.

Cette approche permet de rassurer les salariés et de répondre correctement à la tendance de tout individu à préférer réaliser les activités qu’il réussit, et de ce fait à rechercher et donc à répéter les activités qu’il aime faire. L’identité professionnelle du salarié repose sur ses activités répétées, réussies et aimées, qui elles-mêmes conditionnent la stratégie du salarié. Un autre paramètre intervient dans ce schéma, c’est la motivation qui va entrainer la compétence et vice versa. Néanmoins la motivation, comme les compétences ne peuvent rester identiques, elles évoluent dans le temps et cette évolution doit aider les acteurs à faire face au changement.

Tout changement ne manque pas de susciter l’apparition de contradictions qui sont déstabil
isantes pour les salariés : favoriser l’initiative et l’autonomie tout en accroissant le contrôle. Tout changement a potentiellement un effet sur la motivation et l’évolution des compétences.

Il est important d’identifier cet impact, de travailler sur les compétences afin de les utiliser non pas comme des aptitudes empilées mais comme des outils de résolution de problème. Cette approche des compétences ne peut se faire sans analyser l’impact de la motivation dans leur mise en œuvre. Un acteur peut nous apporter son expertise sur ce sujet, c’est la Direction des Ressources Humaines, Direction qui est encore trop rarement impliquée dans les projets SAP.

C’est grâce à la maîtrise de l’évolution de leurs compétences que les acteurs pourront plus facilement s’approprier le changement dans leur quotidien.

* Odile Jousserand est consultante expert en conduite du changement chez KPF, sociétés de services spécialisée sur SAP. Depuis plus de 10 ans, elle intervient sur les projets de mise en œuvre et de refonte de systèmes d’information pour des industries et des sociétés de service. Odile a notamment eu en charge comme consultante et directrice de projet d’importants projets dans les domaines des ressources humaines dans le secteur industriel. Odile est titulaire d’un DESS Gestion des Ressources Humaines et d’une Maîtrise Sociologie du Travail et des Organisations.

Gérard Clech

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