GREEN IT: L’avenir vert de l’industrie manufacturière

Par Jean Benoît Nonque, Directeur Commercial, France et Afrique d’Infor

Pendant de nombreuses années, une perspective radicalement différente dominait la planète. Les détracteurs estimaient que les pratiques et les obligations environnementales engendreraient une augmentation considérable des coûts et entraveraient la croissance. Cependant, les différents avertissements et rapports sur la pollution touchant les marchés émergents, le réchauffement climatique, les dangers induits par les produits toxiques, les ressources naturelles limitées ainsi que les coûts croissants de l’énergie ont permis de faire des questions environnementales une priorité dans l’esprit de l’acheteur. Par conséquent, les dirigeants d’entreprises ont été forcés de se concentrer sur ces questions écologiques, et de leur trouver des réponses rentables et génératrices de profit.

Les équipes dirigeantes se rendent donc à l’évidence, et prennent conscience du fait que les réglementations environnementales sont sur le point de se multiplier. Afin de conserver une longueur d’avance, de nombreux fabricants ont déjà commencé à mettre en place des processus commerciaux et des systèmes de reporting qui dépassent les obligations à venir. En outre, les plus malins d’entre eux ont agi rapidement afin d’avoir une place de choix, à mesure que les règles et les politiques évoluent. Ils sont ainsi les mieux placés pour obtenir une part accrue des nouveaux marchés émergents créés dans cet environnement réglementaire dynamique.

Mais au fond, qu’est-ce que tout cela signifie ? Le moteur principal des défis et des opportunités commerciales de notre époque (et de celle de nos enfants) sera sans doute la révolution verte. Le défi à relever : les ressources de la Terre sont limitées, et la population devrait croître de 50 pour cent au cours des quatre décennies à venir.  Il faut également ajouter à cela que la demande de biens manufacturés poursuit sa croissance de manière continue, et continuera d’augmenter mondialement chaque année d’environ 6 pour cent. Cela permettra de créer pour chaque entreprise des opportunités de développement de produits et services qui répondront à cette croissance constante et qui minimiseront progressivement l’impact des habitants de notre planète.

Alors que nous prenons le chemin de la révolution verte, il est essentiel que l’industrie manufacturière soit non plus considérée comme le problème (être l’émetteur majeur d’émissions de carbone, directement et via sa consommation énergétique) mais bien comme la solution. Ce n’est que par l’innovation, la recherche, la planification, les actions et les investissements menés par ce secteur que cette transition sera possible.

La planification de la stratégie écologique exige la participation et la collaboration de l’ensemble de l’entreprise (et idéalement de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement). En fonction de la mission, de la culture, du secteur industriel et d’autres facteurs d’une entreprise, passer au vert fera intervenir tout un ensemble de fonctions et de départements, comme l’approvisionnement, la gestion des matériaux, la production, l’expédition et la réception, les ventes et le marketing, etc. Les fournisseurs et clients les plus importants doivent également participer au processus de planification, car leurs idées et leur engagement rendront plus simple et plus rapide l’adoption de nouvelles pratiques et produits.

 

Se mettre au vert

Les mécanismes qui permettent de mesurer les améliorations environnementales renforcent l’avance et la position sur le marché d’une entreprise en termes d’écologie, en particulier dans la mesure où de plus en plus d’entreprises revendiquent des pratiques commerciales vertes : sans mesure, il est impossible de gérer ou de communiquer sur vos prouesses écologiques.
 
Afin d’obtenir des résultats durables, les personnes responsables de la gestion de projets écologiques doivent commencer à penser en termes de processus commercial global, et pas uniquement au début ou à la fin du processus. Par exemple, la question ne sera plus de savoir si une autorisation doit passer du support papier au support électronique, mais de se demander si cette autorisation est vraiment nécessaire. Rationaliser des processus dans leur globalité, plutôt que d’en minimiser uniquement des éléments fournit des avantages réels et durables. Rester attentif à ce point permet de réduire l’impact environnemental et l’utilisation des matériaux, mais également de diminuer le temps, les déplacements, l’énergie, et le capital humain superflus.

Une fois la modification des processus les plus basiques achevée, cette stratégie se concentre sur la gestion des installations, les opérations de fabrication, et autres activités soumises au contrôle interne de l’entreprise. Une fois que les processus internes sont en place, les fabricants doivent alors chercher à développer des produits verts. Cela apparaît plus loin dans le cycle de vie écologique, en partie parce que de nombreuses entreprises tendent à identifier précautionneusement les opportunités de marché, et comment les aborder. Modifier un produit existant ou introduire un nouveau produit exige en général des délais importants, en particulier au sein des marchés complexes. Alors que l’impact des produits générateurs de revenus apparaît plus tard dans l’effort environnemental, la planification et le positionnement du lancement de ces produits doivent commencer dès le début et être programmés en se basant sur les cycles de développement des produits existants. L’avantage de cette approche est qu’il est possible de réaliser des progrès dans le développement de produits verts pendant que l’entreprise s’organise en interne.

 

La technologie permet la prise en charge des initiatives vertes

Le fondement de tout changement stratégique au sein d’une entreprise repose sur l’exactitude des données et des informations. Sans un recueil de données rigoureux et l’analyse approfondie de celles-ci, une modification de l’approche de l’entreprise vis-à-vis de son activité, que ce soit en interne ou en externe, peut s’avérer infaisable. Les informations concernant la consommation des ressources, la gestion des émissions, la performance des actifs, l’utilisation de l’espace et autres ressources capitales sont inestimables pour la planification, la mesure et la durabilité des pratiques écologiques internes.

Les données pertinentes et la technologie qui permet de les fournir aux décisionnaires, sont particulièrement importantes lorsque l’on évalue les stratégies de consommation d’énergie. Pour les fabricants, l’augmentation de la consommation et des coûts d’énergie est devenue un obstacle majeur à la réalisation de bénéfices.

Les entreprises vertes leader du marché utilisent des technologies (comme la gestion des performances, des actifs de l’entreprise, de la chaîne d’approvisionnement et du cycle de vie des produits) afin de prendre des décisions stratégiques liées à la responsabilité environnementale, y compris la consommation d’énergie. Ces applications sont développées et adoptées de bon cœur, compte tenu des avantages qu’elles fournissent.

 

Gestion des performances

Comprendre la position écologique actuelle ainsi que la capacité à transformer et contrôler efficacement l’organisation est un facteur essentiel à la réussite de l’entreprise. Les applications de gestion des performances (Performance Management, PM) s’inscrivent dans cet effort, en particulier au sein des fabricants internationaux. La gestion des pe
rformances aide les entreprises à lier leur stratégie environnementale générale à des projets opérationnels spécifiques, et améliore la performance opérationnelle globale.

En tant que partie intégrante de l’initiative stratégique verte du fabricant, la gestion des performances contribue au démarrage de l’effort écologique. Elle permet également d’aligner les stratégies avec les ressources et les actions facilement mesurées et contrôlées, et enfin de partager ces informations à l’ensemble de l’organisation. En outre, les fabricants sont capables d’intégrer les efforts et la surveillance écologiques au sein du spectre des exigences législatives, y compris la clôture des comptes, le reporting des finances et le contrôle de gestion.

Gestion des actifs de l’entreprise

Une entreprise disposant d’un programme de gestion des actifs de l’entreprise (enterprise asset management, EAM) sophistiqué possède en général des informations relatives à la consommation d’énergie des machines et autres actifs. Les entreprises ne disposant pas d’un programme EAM ou similaire devront investir dans celui-ci, prenant le temps de rassembler des données avant de fixer des objectifs et d’identifier les actions requises.

La gestion des actifs traditionnelle n’intègre pas la consommation d’énergie. Pour la maîtrise de l’énergie, les entreprises ont besoin de choisir des technologies qui rassemblent les informations concernant l’ensemble des actifs d’installations (unités de chauffage et de refroidissement, refroidisseur, chaudières, éclairage, et tout ce qui consomme de l’énergie) et qui fournissent au personnel des solutions intelligentes de maintenance et de planifications de remplacement optimales, basées sur la consommation énergétique. En intégrant la gestion de l’énergie à celle du matériel, les fabricants peuvent désormais compter plus de 90 centimes de chaque dollar de coûts d’opération. Le résultat net habituel est une réduction de la dépense totale énergétique, également répartie entre la performance des actifs et l’augmentation du temps de service.

Gestion de la chaîne d’approvisionnement

L’une des opportunités écologiques les plus significatives est liée à l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. Ici, il est essentiel de travailler avec les fournisseurs et les clients afin de mettre au point de nouvelles façons de faire parvenir plus efficacement les produits aux clients. Les opportunités de réduire la consommation énergétique et les émissions sont présentes tout au long de la chaîne d’approvisionnement.  Réduire, retravailler, recycler, renouveler sont devenus de véritables mots-clés symbolisant la façon de repenser la stratégie de la chaîne d’approvisionnement.

Parmi les solutions les plus accessibles, on trouve la conception de nouveaux transports de fret entrant et sortant, ainsi que les réseaux de distribution qui utilisent le moins de carburant et d’installations (entreposage, distribution, etc.) possibles, tout en réussissant des réalisations et des livraisons à temps. Le même processus de décision, lorsqu’il est associé à la mesure des émissions de carbone des différents modes de transport, peut engendrer des changements modaux significatifs, de l’air à la mer, de la route au rail, réduisant ainsi les émissions, tout en ayant des effets spectaculaires sur la gestion des stocks, qui doit être incluse dans l’analyse.

D’un point de vue plus stratégique, les entreprises devront réévaluer leur stratégie d’approvisionnement avec une optique plus écologique, et peut-être renverser certaines tendances à l’externalisation massive, auxquelles on a pu assister au cours des dernières années.

 

Gestion du cycle de vie du produit

La plupart des avantages écologiques engendrés par un changement de pratique permettent de diminuer les coûts. Toutefois, le mouvement vert offre de nouveaux générateurs de revenus de deux façons différentes : modifier les lignes de produits existantes et créer de nouveaux produits (pour les marchés nouveaux ou existants). Ici, la technologie est essentielle à l’évaluation du grand nombre d’opportunités disponibles.

Pour les produits existants, les entreprises doivent prendre en compte les matériaux et processus actuels. Peuvent-ils être modifiés afin de créer moins de déchets, d’utiliser des ressources renouvelables, ou de supprimer des produits dérivés dangereux, tout en respectant la demande du client et les exigences de rentabilité ? Les données et la modélisation sont les clés pour des décisions coûts/bénéfices solides dans ce domaine. Il en va de même pour les produits entièrement nouveaux.

La flexibilité et la rapidité de processus de développement du produit deviennent de plus en plus importantes à mesure que le nombre d’obligations environnementales augmente et que de nouvelles technologies rendent possible l’existence de produits et de processus plus respectueux de l’environnement. Créer aujourd’hui un programme de gestion des données et de modélisation qui englobe les cycles de vie d’un produit fournira des avantages considérables aux fabricants verts de demain.

 

Les avantages du vert

Comme toute initiative d’entreprise qui cherche à être plus que simplement la tendance du jour, le passage au vert doit être fermement ancré dans les normes, habitudes, cœurs et esprits du personnel. Devenir une entreprise écologique demande l’adoption de principes de conservation dans la culture de l’entreprise. Mais ces efforts seront récompensés. Les entreprises dotées d’une stratégie verte bien développée revendiquent de nouvelles initiatives pour la réduction des déchets, l’économie des coûts et des opportunités de génération de revenus dont ils reconnaissent qu’elles n’auraient autrement pas été identifiées, ni mises en places.

Sachant que l’environnement est le sujet le plus évoqué dans l’industrie cette année, les entreprises qui n’ont pas encore défini de stratégie écologique feraient bien d’agir rapidement, au lieu d’attendre de devoir répondre aux exigences législatives ou aux obligations des clients pour s’adapter. Les marchés changent et de nouvelles opportunités émergent. Devenir une entreprise verte n’est plus seulement une ambition altruiste : elle devient une stratégie qui permet de détenir un avantage compétitif et de viser la rentabilité commerciale.