S’il y a bien un terme dont le succès est allé crescendo depuis quelques mois, c’est celui de Cloud Computing. Mais la technologie a beau être nommée, elle n’a pas tout à fait la même signification selon les acteurs. Si sa pertinence semble avérée et si cette technologie est soutenue par de réelles innovations technologiques, il reste compliqué – par manque de recul – d’en évaluer à court, moyen et long terme les bénéfices et les risques liés à son exploitation dans l’entreprise et entre entreprises.
Voilà pourquoi, à l’initiative de Reouven Cohen, fondateur et directeur technique de Enomaly (éditeur de solutions de cloud computing), a été établi l’Open Cloud Manifesto (OCM), un document de 7 pages (dans sa version PDF), disponible depuis quelques heures en version finalisée, et mettant en relief et en perspective les enjeux du CC pour l’entreprise. Un projet rapidement soutenu par IBM et Sun Microsystems, mais aussi d’autres acteurs de moindre taille. Mais pas par Amazon et Microsoft, deux acteurs incontournables dans le domaine du Cloud. Nous verrons plus loin les motivations de ces deux acteurs.
Que retrouve-t-on dans ce manifeste ?
Sorte d’Esperanto du Cloud Computing (ce qui signifierait que, comme l’esperanto il aurait du mal à percer), ce manifeste part d’une idée louable : établir un standard en la matière. « Nous (incluant des douzaines d’entreprises partenaires) pensons que, comme Internet, le cloud lui-même devrait être ouvert », écrivait Reuven Cohen sur son blog le 26 mars dernier. En introduction du manifeste, on retrouve cette même volonté d’ériger un standard et cet universalisme volontaire : « Ce document cherche à démarrer un dialogue qui réunira la communauté émergente du cloud computing (utilisateurs comme fournisseurs) autour un ensemble de principes. Nous pensons que cet ensemble de principes sont enracinés dans la conviction que le cloud computing devrait être ouvert au même titre que les autres technologies IT. »
L’OCM, après avoir rappelé l’intérêt du « nuage de calcul » et mis en perspective les questions de sécurité, de gestion technique, d’interfaces applicatives, de mesures de performances, etc., propose six principes de base à suivre « pour s’assurer que le cloud est ouvert et fournit le choix, la flexibilité et l’agilité que les organisations réclament ».
Six principes de conformité ou de standardisation si l’on veut. Il s’agit d’abord que les fournisseurs puissent travailler de concert afin d’assurer cette standardisation des solutions, notamment en matière d’interopérabilité. L’idée sous-jacente de cette proposition et qu’un fournisseur ne puisse pas profiter de sa position dominante sur le marché pour enfermer ses clients dans l’usage exclusif de ses technologies. L’OCM insiste sur un usage respectueux des standards en matière de technologie IT, y compris de nouveaux standards à venir face auxquels il s’agit d’être pragmatiques. A la clé, la nécessité pour les innovations d’être motivées par les besoins réels exprimés par les utilisateurs. Tout cela est assorti d’une mesure expliquant que tous les acteurs du domaine doivent travailler ensemble, en bonne intelligence, afin de coordonner les efforts entrepris et éviter les risques de redondance voire de conflits…
Amazon et Microsoft disent non
Aux six principes de bons sens prônés par l’OCM, et soutenus par IBM et Sun, mais aussi AMD, Cisco, Juniper Networks, Novell, RedHat et VMware, ou encore la fondation Eclipse, Microsoft et Amazon (pour ses Amazon Web Services, ou AWS) viennent grossir le front du refus composé jusqu’ici essentiellement par Intel, Salesforce et Oracle.
Amazon et Microsoft ont donc refusé de parapher le document. Du côté de la firme de Redmond, qui n’a été que tardivement converti aux vertus du Cloud, après s’est longtemps enrichi via la commercialisation sous licence de son OS, propriétaire, et de ses nombreux outils et suites bureautiques (MS Office), il semble que le refus tient essentiellement de la prudence. Confronté, donc tardivement, à des acteurs devenus incontournables (Amazon, IBM, Google ou encore SalesForce), Microsoft n’a pas coupé tout à fait les ponts, même si – formellement – il n’a voulu d’un engagement solennel qui l’aurait engagé pendant plusieurs années auprès de concurrents majeurs. On peut dire en outre, que le sens du partage, de la collaboration entre acteurs IT, ne fait pas partie originellement des gènes du géant de Redmond.
Cité par notre confrère vnunet.fr, Amazon a pour sa part jugé de façon un peu péremptoire, diront ses détracteurs, que « la meilleure façon d’illustrer l’ouverture et la flexibilité pour les clients, c’est celle que l’on fournit actuellement et que l’on délivre. » Leader dans le domaine, et très tôt engagé dans la voie du Cloud, contrairement à Microsoft, le pionnier et leader américain de l’e-commerce a cependant assuré qu’il continuerait « à approfondir l’approche clientèle visant à leur assurer un maximum de flexibilité tout au long des discussions portant sur les normes. » Mais de paraphe sur un document tel que l’OCM, il n’est donc point question…
Va-t-on vers une guerre des standards, chacun voulant montrer ses biceps et s’imaginant calife (ou calife à la place du calife) sur un marché estimé par Gartner à plus de 56 milliards en 2009 ? C’est probable, comme il est probable que certains des plus grands acteurs du cloud computing, si aucune forme de standardisation ne s’impose, auront naturellement tendance à vouloir apposer à leurs technologies suffisamment de verrous propriétaires pour « rester vivant » et s’imposer par la contrainte. Voilà pourquoi un manifeste aussi sympathique, et probablement utile, que l’OCM avec son appel (naïf ?) à tous les belligérants (enfin, disons les acteurs) à tout faire pour assurer une réelle interopérabilité des offres et promouvoir la mise en place d’une saine compétition, avait peu de chances d’être entendu par tous. Ne dit-on pas qu’il n’est de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre…
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