Par Vincent Mialon – Ingénieur Réseaux Celeste
Pour simplifier, il faut se représenter Internet comme une grande carte mondiale avec des routes allant entre différents points du globe. Ces routes entre les acteurs du réseau Internet, appelés opérateurs, représentent les réseaux « physiques » ou d’infrastructure. Quand on utilise Internet, on prend donc des routes pour apporter ses données vers une destination. Toute la problématique relève du choix de l’itinéraire et de la qualité des routes que l’on va utiliser : à la manière d’un automobiliste qui peut choisir entre une route nationale et une autoroute en fonction de son budget, son temps, sa voiture…
Pour intégrer le réseau Internet, l’opérateur doit être doté d’au moins une plage IP (voir article 1 de notre dossier). Il doit ensuite se faire « annoncer » aux autres acteurs du réseau pour être « joignable » et pour les « joindre », via les routes du réseau Internet. Très peu d’acteurs disposent de leurs propres infrastructures, sauf de grands groupes internationaux.
Une interconnexion directe avec l’ensemble des acteurs étant impossible à l’échelle mondiale, le nouvel opérateur doit se connecter avec un ou plusieurs grands opérateurs. Ainsi, il dispose d’une vue globale des routes d’Internet et peut se faire connaître de tous les autres acteurs du réseau. A titre illustratif, à ce jour, on dénombre plus de 272 000 routes mondiales !
L’interconnexion des opérateurs, le cœur du réseau Internet
Les opérateurs disposent de deux moyens pour s’interconnecter : le transit (obligatoire) et le peering (facultatif).
Le transit : l’interconnexion nécessaire aux opérateurs
Le transit consiste en réalité à se « déclarer » auprès des autres opérateurs pour être identifié comme un acteur du réseau Internet. Lors de cette démarche, un seuil de consommation minimale est déclaré et l’opérateur est facturé à la consommation réelle en bande passante, cad en fonction de son utilisation du réseau.
Il existe trois niveaux de transit distincts
•le transit par défaut : c’est l’option la plus simple. L’opérateur ne dispose que d’une «seule route ». Il ne peut donc pas disposer d’une visibilité globale du réseau mondial et ne peut pas être joint de plusieurs façons par les autres opérateurs.
•Le transit partiel : même si la visibilité du réseau mondial reste partielle, l’opérateur dispose de plus de routes pour s’interconnecter (transit optionnel)
•Le transit plein : c’est le choix le plus complet car l’opérateur a une visibilité globale sur l’ensemble du réseau Internet. Pour chaque plage IP annoncée par les autres opérateurs, une route est identifiée.
Le peering : le cœur d’Internet
Le peering c’est un accord entre deux opérateurs, ayant à peu près les mêmes niveaux de consommation, qui se mettent d’accord pour échanger leurs routes. Ces accords sont en général gratuits mais peuvent s’avérer payants dans certains cas, le prix étant établi sous la forme d’un forfait et non sur la base de la consommation (comme une sorte de péage).
Il existe deux types de peering :
•le peering privé : c’est un accord en général non contractuel qui se traduit physiquement par une liaison physique directe entre les deux acteurs de cet accord
•le peering public : une liaison physique également dans ce cas vers un commutateur ou point d’échange, sur lequel sont connectés plusieurs opérateurs.
Vous connaissez peut-être le plus grand point d’échange mondial (peering public) à Amsterdam, AMSIX où transitent plus de 600 Gb/s.
La classification des réseaux entre professionnels, une affaire d’interconnexion
La communauté technique du monde de l’Internet classifie les réseaux selon la hiérarchie informelle suivante. On parle de Tier (prononcé TIR), ce qui signifie tiers (de confiance) en anglais.
– Tier 1 : pas d’achat de transit ou de peering=, avec une utilisation des réseaux Internet basée à 100% sur du peering privé entre grands opérateurs et leurs clients
Par exemple Level (3) Communication.
– Tier 2 : une utilisation des réseaux basée sur un mix peering et achat de transit
Par exemple, CELESTE (fin janvier)
– Tier 3 : une utilisation basée sur des interconnexions 100% en mode transit
Les critères pour choisir votre fournisseur Internet professionnel
La qualité de l’infrastructure de votre opérateur dépend de sa capacité à mailler le plus possible le réseau Internet qu’il va utiliser pour vous fournir des connexions rapides. Ainsi la qualité du réseau va s’évaluer sur ses modes d’interconnexion : peering gratuit/payant et type de transit et de la réputation de ses transitaires. La plupart des opérateurs professionnels en France sont des TIER2, encore faut-il creuser sur le mix transit/peering dont ils disposent.
La qualité du réseau que l’opérateur va mettre à votre disposition, donc le nombre d’interconnexions à son crédit, a de nombreux impacts sur la qualité du service global qu’il va vous fournir :
•Latence moyenne
•Nombre de sauts moyen
•Perte de paquets moyenne
•Redondance des liens
Devenir opérateur ne concerne pas que les Fournisseurs d’Accès Internet. Certaines entreprises ayant des besoins de connexion et d’interconnexion à haute redondance deviennent elles aussi opérateur du réseau Internet. Nous vous présenterons dans le prochain dossier les étapes à franchir pour y parvenir.